Les parents ne sont pas dans le déni
Article de Nicole Carty orthophoniste pour le blogue SOS prof.
Mars 2025
Les parents connaissent leur enfant
Les parents connaissent leur enfant. Ils sont au courant de ses défis et de ses capacités. Ils savent quand leur enfant fait le clown, ne performe pas à son maximum ou ne coopère pas. Ils savent aussi comment il est bavard à la maison et timide devant les autres. Bref! Ce n’est pas parce qu’un enfant ne performe pas dans mon bureau que je conclue : il « ne peut pas ».
https://cuitdanslebec.wordpress.com/category/evaluation/page/2/
Pour savoir comment mesurer mes attentes par rapport aux performances de l’enfant, je récolte une bonne histoire de cas auprès des parents. Les parents me décrivent leur enfant dans ses capacités et difficultés, dans sa vie quotidienne. D’ailleurs, les pratiques basées sur les données probantes prônent le partenariat avec les parents.
Si les parents me disent que leur enfant est bavard à la maison, mais qu’avec moi il ne parle pas, je sais que je dois faire un travail pour établir une relation avec l’enfant, afin de favoriser ses productions verbales…. et je sais quelles stratégies efficaces employer!
Si, par contre, les parents me disent que leur enfant ne dit pas encore beaucoup de mots, j’emploierai des stratégies différentes pour soutenir les productions verbales de l’enfant.
Les parents présents lors de l’évaluation
J’aime que les parents soient présents, avec moi, lors de l’évaluation de leur enfant. Ils peuvent m’aider à être efficace, grâce à leurs commentaires, en tant que spécialistes de leurs enfants : « ça, il le dit à la maison », « on lit des histoires de ce niveau ça, », « ça, il ne connaît pas/n’a jamais vu », etc.
Sans les parents, je pourrais constituer une image partielle, voir erronée, de l’enfant, et mon évaluation de ses capacités et difficultés serait inexacte.
Quand je rends mon rapport d’évaluation aux parents, je leur demande d’en valider le contenu. Dans ce sens, je leur demande si le profil décrit dans le rapport correspond au profil de l’enfant qu’ils connaissent.
https://lepartenariatparentalenorthophonie.com/
D’abord, les progrès à l’extérieur de mon bureau
Aussi, les progrès des enfants se constatent à l’extérieur de mon bureau, souvent un à deux mois avant que je ne puisse les constater dans mon bureau. Puis, tout à coup, j’entrevois exactement les capacités que les parents me décrivaient à la maison.
Inversement, quand je vois des progrès dans mon bureau, je ne suppose pas d’emblée que c’est la magie de mes superpouvoirs orthophoniques! Cela peut simplement être l’éclosion de capacités déjà présentes à la maison.
Les parents ne sont pas dans le déni; je dois me souvenir que je n’ai pas toujours le luxe de voir leur enfant fonctionner « comme à la maison ». Je dois me rappeler que je n’ai qu’une vue partielle de l’individu devant moi.
La différence entre performer et être capable de…
C’est frustrant pour un parent de toujours avoir à dire : « je vous promets, il est capable »; « je vous promets qu’elle sait faire ça », etc. Surtout lorsque leur enfant ne performe pas devant la spécialiste du jour. Et, c’est là le nœud du problème : la performance.
Les enfants ne sont pas naïfs. En arrivant dans mon bureau, ils savent que toute l’attention est portée sur eux. Il y a une différence entre performer dans mon bureau et être capable dans la vraie vie. Pour faire la différence entre les deux, les parents sont mes partenaires.
Très tôt, un enfant avec une trisomie 21, ou avec un trouble de la coordination motrice de la parole, se rend bien compte que les gens ne comprennent pas ses productions. Il est, alors, hors de question de vivre des échecs de communication avec de nouveaux adultes! Alors, la professionnelle a une image partielle de l’enfant : il ne parle pas. Au contraire, le parent a une banque de connaissances sur son enfant : quand il est à l’aise, il parle. Il peut même être très bavard à la maison!
Croire les parents
Quel serait l’avantage, pour le parent qui vient chercher de l’aide, de surestimer les capacités de son enfant? Aucun! Le parent consulte parce qu’il veut de l’aide bien ciblée, pour favoriser le développement des capacités de son enfant. L’efficacité de mon évaluation des capacités et difficultés de l’enfant dépend de mon aptitude à écouter les parents quand ils me décrivent leur enfant.
L’enfant, ou l’adulte, avec une trisomie 21 est, le plus souvent, jugé d’abord en fonction de son apparence. En particulier, on sous-estime les capacités des individus avec une trisomie 21.
Les enfants avec une trisomie 21 peuvent souffrir d’une hypotonie et de difficultés de la coordination motrice. À les observer de loin, la personne non avertie pourrait s’imaginer qu’ils ont « lents ».
À l’inverse, la personne avertie sait que cet enfant écoute, entend et comprend bien plus que ce qu’il est capable de montrer!
Mais, si on ne regarde pas au-delà des apparences et on risque fort de sous-estimer les capacités de l’enfant. Ainsi, on s’adresserait avec un langage plus simple, on aurait moins d’attentes au niveau de ses performances à l’évaluation et on renverrait constamment le même message réducteur à l’enfant : « tu n’es pas capable ».
C’est particulièrement difficile d’estimer le niveau de performances d’un enfant lorsque celui-ci a un corps hypotonie ou dyspraxique. Alors, c’est d’autant plus pertinent de croire les paroles du parent qui décrit son enfant et, pourquoi pas, de supposer la compétence.
https://ppeontario.ca/ressources/
J’écoute les parents
Pour tous les enfants, les mêmes pratiques professionnelles basées sur les données probantes sont pertinentes : considérer les parents comme des partenaires à part entière dans la prise en charge de leur enfant.
Ainsi, on va droit au but; on sait mesurer nos stratégies et évaluations en fonction des informations précieuses récoltées auprès parents. On cible mieux le type d’activités à proposer … Et, là, ça devient intéressant! L’enfant prouve que ce que le parent a dit était vrai : il connaît déjà son alphabet! Il produit des onomatopées! Il connait les comptines!
Les parents ne sont pas dans le déni et, pour mieux servir leur enfant, j’écoute ce qu’ils ont à dire sur les capacités de leur enfant.