La lecture de livres aux enfants
Par Lyne Lafontaine, orthophoniste
Dans cet article, on abordera la lecture de livres aux enfants du préscolaire et du primaire en se posant les questions suivantes : est-ce bon de lire des histoires aux enfants ou est-ce aussi valable de regarder des dessins animés ou des films? Doit-on lire intégralement une histoire ou peut-on changer les mots et la raconter librement?
Est-ce bon de lire des histoires aux jeunes enfants ?
À l’ère d’Internet qui donne accès à un grand nombre de dessins animés et d’applications sur les tablettes, on peut se demander s’il est encore justifié pour les parents et enseignants de prendre le temps de lire des histoires aux enfants. Une recherche a étudié chez des enfants de 3-5 ans l’activité cérébrale à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pendant qu’ils écoutaient des histoires choisies en fonction de leur âge. Les chercheurs[1] ont trouvé des corrélations entre l’activité cérébrale et la stimulation reçue à la maison par rapport à la narration d’histoires.
Les enfants dont les parents ont affirmé raconter souvent des histoires ont montré une plus grande activité du cortex associatif gauche (région pariéto-temporo-occipitale), responsable de l’imagerie mentale et du traitement sémantique. Fait intéressant, cette zone était activée pendant cette recherche même si les enfants écoutaient une histoire sans avoir accès aux images.
Ces résultats suggèrent que lorsque les enfants écoutent une histoire, ils en imaginent le déroulement par imagerie mentale, car les livres, même s’ils comportent quelques illustrations, laissent aussi place à l’imagination. Les enfants habitués à se faire lire régulièrement des histoires développent plus facilement cette capacité à se représenter mentalement et à dégager le sens de ce qui leur est lu et lorsqu’ils commenceront à lire des mots, des phrases puis des textes, les enfants qui auront développé cette capacité pourront ensuite plus facilement effectuer la transition vers la lecture de livres sans image.
Les chercheurs émettent finalement l’hypothèse que le livre d’histoire stimule davantage la créativité que l’histoire racontée au moyen d’un dessin animé ou d’un film où l’enfant n’a pas besoin d’imaginer quoi que ce soit.
En résumé : il est important de lire des histoires à de jeunes enfants qui sont adaptées à leurs intérêts et capacités. Pendant qu’ils nous écoutent raconter une histoire tout en regardant les images du livre, ils se représentent visuellement l’histoire et en dégagent le sens. Un enfant habitué à se faire lire des histoires trouvera plus facile de lire des textes sans images lorsqu’il sera plus vieux.
Faut-il lire un livre intégralement ?
Il est recommandé de lire un livre en respectant le plus possible le texte, car l’objectif de l’exercice est d’amener l’enfant à s’approprier le style littéraire qu’il rencontrera tout au long de sa scolarité. Il faut toutefois tenir compte du développement langagier et cognitif de l’enfant pour que l’histoire lui soit accessible. Le choix du livre est donc essentiel : prenez donc quelques minutes pour feuilleter le livre, voir le niveau de langage, la qualité des images et la structure narrative (début, problème, solution, fin). Idéalement, lire l’histoire une première fois sans l’enfant nous permettra de cibler les mots ou phrases plus compliqués et de prévoir comment on va les expliquer.
Pendant la lecture, il est important de se garder du temps pour expliquer des mots ou expressions de façon claire, car le jeune lecteur ne comprendra pas tous les mots. Par exemple, si on voit le mot déguster, on peut expliquer ce que cela signifie : déguster, c’est quand on prend le temps de goûter à un aliment que l’on aime. On peut mimer l’action, puis réutiliser le nouveau mot dans d’autres contextes.
On peut aussi poser à l’enfant des questions ouvertes qui l’amèneront à réfléchir sur des liens de causalité entre des événements de l’histoire (ex. : Pourquoi le garçon pleure-t-il? Comment va-t-il faire pour régler le problème? Que penses-tu qu’il va arriver?)
Il est aussi important pour l’enfant de nous entendre réfléchir, faire des liens : Je vois que le bébé oiseau est tombé de son nid. J’espère que l’oiseau ne s’est pas fait mal. Ah! Heureusement, il est tombé dans un tas de foin…Je suis soulagée!
Enfin, l’enfant adorera réécouter la même histoire ou entendre la suite d’un récit qu’on n’a pas eu le temps de terminer. Et un jour, il voudra même la raconter à son tour, en tout ou en partie.
Pour terminer, voici une référence qui propose des suggestions afin de transmettre le goût de lire aux enfants :
Au bonheur de lire de Dominique Demers, 2009 (Édition Québec Amérique, 264 pages).
Voici un autre article qui saura vous plaire :
Pour en savoir plus et mieux vous outiller :
Lyne Lafontaine, orthophoniste
[email protected]
www.orthophonie-lynelafontaine.com
Clientèle : enfants 4-11 ans, difficultés en langage oral et écrit
[1] Hutton, J.S., Horowitz-Kraus, T., Mendelsohn, A.L., DeWitt, T., Holland, S.K., and the C-MIND Authorship consortium (2015). Home reading environment and brain activation in preschool children listening to stories. Pediatrics, 136, 466-478.