L’angoisse
Par Audrey Thauvette, psychoéducatrice
À chacun son mammouth
Depuis la préhistoire, l’anxiété contribue à la survie de l’être humain. Autrefois, elle permettait aux hommes des cavernes de réagir face à un danger imminent, tel que le mammouth. De nos jours, les agents stressants divergent. Or, le cerveau ne fait pas la différence entre le stress absolu, soit un danger réel pouvant menacer la survie (incendie, catastrophe naturelle), et le stress relatif qui ne menace pas l’individu. Dans les deux cas, il produit des hormones de stress. Plus une situation ou l’interprétation que l’individu en fait remplit les critères du CINÉ (caractéristiques d’une situation stressante), plus elle sera perçue comme stressante et plus notre corps produira des hormones de stress.
Les caractéristiques d’une situation stressante
L’acronyme CINÉ identifie les quatre facteurs d’une situation stressante :
C : Faible contrôle : L’individu a l’impression d’avoir peu ou pas de contrôle sur la situation
I : Imprévisibilité : Une situation inattendue survient ou encore, l’individu ne parvient pas à anticiper ce qui s’en vient
N : Nouveauté : Une situation nouvelle à laquelle l’individu n’a jamais fait face survient
É : Égo menacé : L’égo et les compétences de l’individu sont menacés
Qu’est-ce que l’anxiété?
L’anxiété est le signal d’alarme développé pour mettre le corps en état d’alerte face à une menace. La loi de Yorkes-Dodson établit le lien entre l’anxiété et la performance.
À un certain degré, l’anxiété est utile et nécessaire puisqu’elle augmente le degré de vigilance, favorise la mobilisation et la motivation et améliore la performance. Toutefois, lorsqu’elle est excessive, l’anxiété peut générer des difficultés d’adaptation et mener à un dysfonctionnement dans certaines sphères de la vie. En effet, lorsque la production hormonale devient chronique, les zones du cerveau liées à l’apprentissage et à la mémoire sont davantage ciblées par les hormones. Ce qui diminue la capacité du cerveau à discriminer les éléments menaçants de ceux qui ne le sont pas. En ce sens, tout est perçu comme une menace et l’individu est constamment en état d’alerte.
Au Québec, environ 10 % des enfants sont atteints d’un trouble anxieux et parmi eux, plusieurs sont sujets à l’anxiété de performance. On estime qu’entre 25 % et 40 % des étudiants souffrent d’anxiété de performance, particulièrement ceux aux prises avec un trouble d’apprentissage ou ceux faisant partie d’un groupe enrichi.
Qu’est-ce que l’anxiété de performance?
L’anxiété de performance qui se développe en général vers l’âge de 7 ou 8 ans est la peur de ne pas répondre aux attentes en situation d’évaluation ou de performance. Dre Sonia Lupien, spécialiste en neuroscience et fondatrice et directrice du Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, précise qu’il s’agit d’un problème d’estimation du cerveau : l’enfant surestime le danger et sous-estime ses capacités à faire face à ce danger. En effet, l’enfant anxieux a tendance à attribuer ses échecs à son manque de compétence et au fait qu’il n’est pas digne de valeur. À ses yeux, il est aimé et estimé pour ce qu’il accomplit. Par conséquent, il accomplit beaucoup. Cela génère des distorsions cognitives, soit des pensées erronées, qui alimentent les émotions et les cognitions négatives et diminuent la performance de l’individu.
Manifestations de l’anxiété de performance
L’anxiété de performance se manifeste sur plusieurs facettes de l’être humain:
Manifestations physiques :
- Tremblements
- Tensions musculaires
- Troubles somatiques : maux de tête, maux de ventre, nausées, insomnie, augmentation de la pression sanguine
- Difficultés respiratoires
Manifestations émotionnelles :
- Peur et malaise d’entreprendre des tâches dont l’issue est incertaine
- Peur d’être confronté à un échec
- Stress élevé
- Possibilité de faire une crise de panique ou une crise d’angoisse
Manifestations cognitives :
- Perception négative de soi : faible estime de soi et faible sentiment de compétence
- Distorsions cognitives : pensées irrationnelles et négatives
- Faible sentiment d’efficacité personnelle
Manifestations comportementales :
- Évitement ou fuite
- Recherche exagérée de la perfection
- Comportements d’opposition
- Étude excessive
- Recherche constante de l’approbation et des commentaires positifs
Stratégies pour réduire l’anxiété de performance
Heureusement, sachez que l’anxiété de performance est l’un des troubles les plus faciles à traiter lorsque l’individu se mobilise et s’investit dans la démarche. La thérapie cognitivo-comportementale est par ailleurs la technique la plus efficace pour intervenir sur cette problématique. Les exercices proposés par cette thérapie visent à modifier la façon dont le cerveau traite l’information et à interpréter les situations stressantes comme des défis plutôt que des menaces.
Quelques stratégies permettent de réduire l’anxiété de performance :
- Identifier la source (ce qui menace : C.I.N.É.) afin d’agir sur celle-ci;
- Prévoir des plans alternatifs pour faire face à l’agent stressant identifié précédemment;
- Modifier les distorsions cognitives en pensées rationnelles;
- Remettre en question les pensées automatiques (ne pas croire la voix intérieure);
- Interférer avec la voix intérieure en écoutant de la musique (plus il y a de paroles, mieux c’est) ou en la ridiculisant (lui attribuer une drôle de voix);
- Bouger afin de perdre l’énergie mobilisée au cerveau;
- Utiliser des stratégies de relaxation (respirations abdominales).
Enfin, n’hésitez surtout pas à recourir aux services d’un professionnel tel qu’un psychoéducateur pour vous aider à traiter l’anxiété de performance. Celui-ci détient des connaissances approfondies sur la problématique et est formé pour intervenir auprès d’une clientèle aux prises avec l’anxiété de performance.
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Pour en savoir plus et mieux vous outiller :
Références :
- Barriault, L. Comment briser le cercle vicieux de l’anxiété de performance? Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/ 2016/06/anxiete-performance-2/
- Couture, N. & Marcotte G. (2014). Extraordinaire moi calme son anxiété de performance. Éditions Midi Trente.
- Équipe PE-SPO du Service de psychologie et d’orientation de l’Université de Sherbrooke. L’anxiété de performance.
- Hammarrenger, B. (2016). L’opposition : ces enfants qui vous en font voir de toutes les couleurs. Éditions Midi Trente.
- Hébert, A. (2016). Anxiété, la boîte à outils : stratégies et techniques pour gérer l’anxiété. Éditions de Mortagne.
- Rinfret, T. Société de performance. Repéré à : http://fautenparler.telequebec.tv/emissions/ societe-performance