L’orthophonie
Par Nicole Carty, orthophoniste
Voici une série de questions qui me sont souvent posées au téléphone ou lors du premier rendez-vous. J’ai tenté d’y répondre du mieux de mes connaissances actuelles (2018), et toujours en fonction du code de déontologie de l’ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec et du règlement de tenue des dossiers et des bureaux. Les questions sont réparties en 7 sections :
- L’inscription.
- Reçus et assurances.
- L’évaluation.
- Le traitement.
- Les compétences professionnelles.
- Droits et informations pratiques.
- Premiers conseils.
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L’inscription
Est-ce qu’on a besoin d’une référence d’un médecin? Non, vous pouvez vous référer, vous-même, dans une clinique privée d’orthophonie.
Comment ça marche, pour s’inscrire dans une clinique privée? Appelez la clinique qui vous intéresse et assurez-vous de vous inscrire sur la liste d’attente.
Pourquoi la liste d’attente est-elle si longue? Tout dépend des disponibilités de chacun : les places en semaine, pendant les heures d’école/travail habituelles, sont souvent plus faciles à obtenir. Les places en soirée, et en fin de semaine, le sont moins, car la demande est plus forte. Aussi, suite à une évaluation, un traitement peut-être poursuivi par le client. La durée du traitement implique que la place est prise jusqu’à tant que le traitement se termine. Un conseil : appelez un peu partout et laissez votre nom sur plusieurs listes d’attente.
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Reçus et assurances
Est-ce que c’est couvert par la RAMQ? Non, les services d’orthophonie en clinique privée ne sont pas couverts par la RAMQ. Les services publics dans les CLSC, les Centres de Réadaptation et les Hôpitaux le sont, par contre. Les services d’orthophonie sont offerts dans les écoles publiques du Québec, en fonction des ressources disponibles.
Est-ce que c’est couvert par les assurances? Si vous avez des assurances privées, très souvent, un certain montant est couvert pour autant que vous consultiez une orthophoniste membre de l’ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (O.O.A.Q.). Il vous faudra simplement vous renseigner directement auprès de vos assurances.
Est-ce que vous donnez des reçus pour les assurances? Oui, pour chaque paiement, l’orthophoniste membre de l’OOAQ, doit systématiquement fournir un reçu en date et le jour du service rendu. Vous transmettrez ensuite, vous-même, votre reçu, à vos assurances, pour votre remboursement, si tel est le cas.
Est-ce que vous pouvez changer le nom sur le reçu, ou changer la date des reçus, afin que ça recouvre la période de mes assurances? Le nom qui figure sur le reçu doit être celui de la personne qui est suivie en orthophonie. La date inscrite doit correspondre à la date du service rendu. Le non-respect de l’exactitude de ces informations, sur les reçus, constitue une pratique illégale.
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L’évaluation
Est-ce que l’évaluation est obligatoire? Oui, selon le règlement de tenue des dossiers et des bureaux, c’est obligatoire.
J’ai déjà une évaluation d’une autre place : est-ce que vous l’acceptez? Toutes les orthophonistes membres de l’OOAQ sont soumises aux mêmes règlements, et au même code de déontologie. Ainsi, peu importe le lieu d’évaluation, le rapport d’évaluation orthophonique, en tant que tel, est théoriquement valide. Il se peut, par contre, que votre nouvelle orthophoniste, par souci professionnel, vous propose d’approfondir certains aspects de l’évaluation. Elle discutera des modalités, avec vous, avant de procéder.
Est-ce que j’ai le droit à un rapport d’évaluation? Oui, un rapport d’évaluation vous est fourni à la fin de vos séances d’évaluation. Le prix du rapport d’évaluation, et du plan d’intervention, est inclus dans le prix des séances d’évaluation. Par contre, votre orthophoniste a le droit à un délai raisonnable de 30 jours pour la rédaction, à partir de la date de la dernière séance d’évaluation.
Pourquoi l’évaluation coûte-t-elle si cher? Le prix de l’évaluation inclut les séances d’évaluation, en elles-mêmes, et, en plus, le temps d’analyse des tests et observations cliniques, le temps de rédaction du rapport, etc. Pour une heure d’évaluation, on peut facilement compter, en moyenne, 2 à 4 heures d’analyses et de rédaction du rapport d’évaluation. Enfin, le prix de l’évaluation inclut également votre plan d’intervention.
Est-ce que le prix de l’évaluation inclut une séance de remise du rapport? Cela dépend des cliniques. Parfois oui, parfois non. Le cas échéant, il est recommandé de céduler une séance de consultation supplémentaire, à vos frais, s’il vous reste des questions, ou si vous avez besoin d’éclaircissements, dans le cas où les discussions avec l’orthophoniste, lors de vos séances d’évaluation, n’auront pas suffi. C’est votre droit de bien comprendre l’ensemble du contenu de votre rapport d’évaluation.
À quoi sert un rapport d’évaluation? Le rapport d’évaluation est un document officiel, rédigé par une orthophoniste accréditée, qui analyse le profil de votre enfant et détermine s’il y a un trouble ou non dans le développement du langage oral/, de la communication et/ou de la parole. La conclusion orthophonique est suivie de recommandations qui peuvent consister en, selon le cas, par exemple, la poursuite d’évaluations complémentaires dans d’autres domaines du développement de votre enfant, l’inscription de votre enfant pour des services dans un centre de réadaptation, etc.
À quoi ressemble un rapport d’évaluation ? Il s’agit d’un document de plusieurs pages. Au début, on y retrouve les instruments d’évaluation et les éléments de l’histoire cas pertinents au domaine de l’orthophonie, uniquement. Ensuite, différents paragraphes se succèdent. Par exemple, pour le langage oral, on pourrait retrouver différentes sections sur les prérequis à la communication, la compréhension du langage, l’utilisation du langage, le discours, le vocabulaire, les phrases, les sons, les muscles oro-faciaux et l’articulation. Pour le langage écrit, pourrait retrouver une section sur la conscience métaphonologique et des sections sur la vitesse de lecture, l’exactitude, et la compréhension de la lecture, l’écriture, l’orthographe et la composition. Le rapport devra également comporter une conclusion et des recommandations. Puis, sur un document à part, vous devriez recevoir un plan d’intervention.
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Le traitement
J’aurai besoin de combien de séances? Tout dépend du mode de fonctionnement de la clinique, de vos besoins, de ceux de votre enfant, de la nature et de la gravité de son trouble, etc. Il y a donc beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. Grosso modo, une dizaine de séances peuvent être nécessaires avant de constater des changements concrets. L’orthophonie est du domaine des processus cognitifs, ce n’est donc pas une pilule à action rapide! La patience, la confiance et l’implication parentale et scolaire contribuent grandement à l’efficacité de la prise en charge.
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Les compétences professionnelles
Est-ce que vous êtes spécialisée avec telle type de clientèle? Les orthophonistes membres de l’ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec doivent se tenir à jour dans leur domaine de pratique et elles sont soumises à des inspections professionnelles régulières, avec des exigences particulières pour la formation continue. Puis, parallèlement aux connaissances théoriques, rien ne vaut l’expérience pratique, l’ouverture d’esprit et l’humilité, pour accumuler des compétences professionnelles tout au long de sa carrière. On a beau avoir de l’expérience, et des connaissances, chaque cas est unique. Enfin, en cas de besoin, votre orthophoniste est en mesure de consulter un mentor, ou encore de vous référer à un tiers, si elle estime que votre cas dépasse les limites de ses compétences.
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Droits et informations pratiques
Est-ce que je dois donner le rapport d’évaluation à l’école? Le rapport d’évaluation orthophonique est un document confidentiel : personne n’a le droit de le consulter sans votre consentement écrit. Par contre, dans la mesure où vous collaborez avec l’école de votre enfant, vous pouvez choisir de le transmettre, ainsi que le plan d’intervention qui l’accompagne.
Est-ce que mon orthophoniste a le droit de contacter l’école? Oui, à condition que vous ayez signé une autorisation de communication. Sans cette signature, votre orthophoniste n’a même pas le droit d’indiquer que votre enfant a un dossier à sa clinique.
Est-ce que je suis obligée d’avoir un rapport d’évaluation pour que mon enfant bénéficie d’un plan d’intervention à son école? Pas obligatoirement. Les conditions de la mise en place d’un plan d’intervention sont explicitées dans ce document « en bref » : http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/dpse/adaptation_serv_compl/19-7053_phasesplan.pdf. Par contre, à terme, afin de bien cibler la source des difficultés, et afin d’agir efficacement, une évaluation en orthophonie peut-être recommandée.
Est-ce que je dois payer si j’annule, ou si mon enfant est malade? Plusieurs cliniques privées, que ce soient des cliniques d’orthophonie, de dentistes, ou autres, vous feront signer, par avance, un contrat de service. S’il y a une politique d’annulation, celle-ci sera explicitée. Cette politique vise à garantir une certaine stabilité salariale à la praticienne en milieu privée. Certaines cliniques optent pour une version plus simple : la politique de présence. Simple question de respect : vous ne pouvez pas, ou ne voulez pas venir, vous téléphonez.
Est-ce que j’ai le droit de changer d’orthophoniste? Absolument! L’orthophoniste est une professionnelle et doit se comporter comme telle. Votre loyauté se trouve envers votre enfant, d’abord. Si vous décidez que l’approche de votre orthophoniste ne convient pas à votre enfant, que vous avez envie d’essayer autre chose, ou que vous voulez simplement profiter des servies du système public, auxquels vous avez droit, n’hésitez surtout pas! Votre orthophoniste vous fournira un rapport d’évolution (compris dans le prix de vos séances de traitement) dans un délai raisonnable de 30 jours, que vous pourrez transmettre à votre nouvelle orthophoniste.
Est-ce que j’ai accès à mon dossier? Oui, absolument, c’est votre droit. Au-delà des frais pour la copie, l’accès est gratuit, dans un délai raisonnable de 20 jours. Par contre, sachez que votre dossier sera détruit au bout de 5 ans après sa fermeture.
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Premiers conseils
Est-ce que je devrais consulter? Réponse courte : oui, si vous êtes inquiet. Selon les recherches, la meilleure manière d’effectuer un dépistage c’est de demander aux parents s’ils sont inquiets (Mongrain, 2015). Rien ne sert de taire les soucis des parents, s’ils en ont. Qu’ils consultent et trouvent, au mieux, des réponses et des conseils solides pour pallier leurs inquiétudes, au « pire », une intervention précoce.
Dans certaines pathologies, plusieurs orthophonistes interviennent dès la naissance, en collaboration, bien sûr, avec les parents (i.e. communication, motricité oro-faciale, etc.). Il n’est donc jamais trop tôt pour commencer!
Par ailleurs, l’orthophonie doit être une visite agréable et ludique, adaptée à l’âge de votre enfant, et ne risque donc pas de le traumatiser ni de le stigmatiser.
Inversement, il n’est jamais trop tard pour consulter que ce soit pour une dyslexie adulte, une dysphasie adulte, ou encore une trisomie 21. Le développement du cerveau, c’est toute une vie.
Qu’est-ce que vous pensez du bilinguisme? Les parents ont souvent peur, lorsque leur enfant présente un retard de langage, qu’une deuxième langue ne les surcharge…. Ce n’est absolument pas ce que confirment les résultats des recherches. La majorité des personnes du monde sont bilingues. La peur du bilinguisme vient souvent de personnes monolingues. Les enfants avec et sans troubles du langage oral et écrit sont tous capables de devenir bilingues. Même les enfants avec une trisomie 21 en sont capables (Kay-Raining Bird, et al. (2005), et il serait dommage de les priver de cette expérience enrichissante.
En cas de trouble du langage, autant augmenter la stimulation plutôt que de la diminuer. Surtout, les parents doivent parler, à leur enfant, la langue qu’ils maîtrisent le mieux. Les parents peuvent continuer à s’adresser à leur enfant dans la langue de leur maison, même si leur enfant leur répond en français. Plus l’enfant fera de progrès dans la langue de la maison, plus il fera en dans la langue de l’école. Moins il fera de progrès dans la langue de sa maison, moins il en fera dans la langue de l’école (Genesee, 2008). Passez le mot!
Comment est-ce que je peux aider à faire progresser mon enfant? Votre enfant peut faire des progrès avec et sans l’orthophoniste. Pour ce faire, deux actions :
- Faites la lecture à votre enfant. Choisissez des livres variés de mythes, légendes et contes des pays du monde. Choisissez également des livres documentaires. Lisez, lisez, lisez puis discutez, sur un ton conversationnel, du contenu de ce que vous lisez. Expliquez les mots, offrez des synonymes, demandez son opinion et aidez-le à développer sa pensée. Prenez votre temps, soyez à son écoute.
- Limitez absolument les écrans sous toutes les formes. Durant notre enfance, nous ne nous sommes jamais ennuyés, car nous étions toujours occupés… à jouer. Les écrans privent nos enfants de leurs jeux, alors que ceux-ci sont essentiels au développement de leur intelligence. Ils privent nos enfants des interactions sociales, alors que ceux-ci sont essentiels au développement de l’attention, du langage, de la communication et de la pensée.
Est-ce que je dois faire lire mon enfant? Oui et non. Votre enfant lira à un niveau de décodage qui est bien inférieur à son niveau de compréhension. Il a besoin d’entraînement, d’encouragement et de temps. En revanche, plus on lit à notre enfant, plus on développe les fondations qui l’aideront à passer, lui-même, à l’étape de lecteur autonome. Ainsi, au lieu de dire à notre enfant : « tu dois lire plus », on peut agir, en lisant pour eux, tout simplement. Ainsi, il profite des multiples avantages des livres et de la lecture, en attendant qu’il développe, avec le temps et les expériences, ses capacités en décodage.
Voici un autre article qui saura vous plaire :
Pour en savoir plus et mieux vous outiller :
Références :
- Code de déontologie de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. Code des professions(chapitre C-26, a. 87). http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cr/C-26,%20r.%20184
- Règlement sur les dossiers et la tenue des bureaux des membres de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. Code des professions (chapitre C-26, a. 91 et 94.1). http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cr/C-26,%20r.%20187
- Genesee, F. (2008). Dual Language Development in Preschool Children. Revised. McGill University. http://www.psych.mcgill.ca/perpg/fac/genesee/Dual%20Language%20Development%20in%20Preschool%20Children%202008.pdf
- Kay-Raining Bird, E.; Cleave, P.; Trudeau, N.; Thordardottir, E.; Sutton, A.; Thorpe, A. (2005). The Language Abilities of Bilingual Children With Down Syndrome. American Journal of Speech-Language Pathology. August 2005, Vol. 14, 187–199. https://pdfs.semanticscholar.org/54ae/ba5578f0ab0910f2dfde516b008c55776033.pdf
- Mongrain, J. (2015). « LES SERVICES ORTHOPHONIQUES OFFERTS AUX ENFANTS DYSPHASIQUES QUÉBÉCOIS: LE POINT DE VUE DES PARENTS ». Essai présenté à la maîtrise en orthophonie (M.Sc.) sous la direction de M. Bernard Michallet, Ph.D. Département d’orthophonie. Université du Québec à Trois Rivières. http://www.langagequebec.ca/asofiles/Essai%20JMongrain%20version%20finale.pdf