Pourquoi n’en parle-t-on pas plus ?
Dre Marianne Bélanger, Psy.D., Ph.D., psychologue, spécialisée en douance.
Chut … tabou !
La douance est encore très taboue au Québec. Nous sommes plus de 10 ans en retard sur la France (et déjà plusieurs années en retard sur d’autres provinces du Canada) à l’égard de notre acceptation, de notre compréhension et de notre soutien aux jeunes à haut potentiel intellectuel (HP). Pourquoi ? Plusieurs hypothèses sont possibles.
La première hypothèse
Elle repose sur nos racines gréco-chrétiennes qui survalorisent l’humilité en associant la honte à la richesse et en donnant naissance au mythe historique des Québécois «nés pour un petit pain». Conséquences ? Si vous annoncez à vos proches que votre enfant à une déficience intellectuelle, vous recevrez (je l’espère) de la compassion. Mais ceux qui annoncent une douance reçoivent souvent un air de condescendance, une écoute bienveillante, mais mêlée d’un certain mépris pour leur affirmation que leur enfant est «plus intelligent». Imaginez les parents qui doivent en parler à l’école. Mêmes certains psychologues, peu sensibilités, risquent de ne pas les comprendre entièrement.
Deuxième hypothèse : l’argent
Imaginez ce que pourrait coûter la reconnaissance et la prise en charge par le système public des besoins particuliers d’un autre 2% à 5% de sa population. La logique pourrait rendre certains organismes subventionnés moins enclins à promouvoir la recherche sur le sujet. Heureusement, il existe tout de même certaines études et thèses sur les personnes HP.
Il s’agit de suggestions d’idées, non exhaustives et non mutuellement exclusives. Chose certaine, sachez que le débat ne date pas d’hier dans les commissions scolaires québécoises. D’un côté, les défenseurs des besoins particuliers des élèves HP. De l’autre, ceux qui craignent l’élitisme et l’inégalité. Le combat est parfois sanglant, croyez-moi.
À ce jour, seule la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys s’est dotée d’une « Politique des élèves doués et talentueux », et ce, depuis 2011. À la Commission scolaire de Montréal, une école primaire (Fernand-Seguin) et, depuis 2014-2015, une école secondaire (Paul-Gérin-Lajoie-D’Outremont) ont un programme en douance. C’est un début. Surtout pour les élèves HP homogènes et académiques. Toutefois, nous sommes encore très loin de répondre aux besoins des élèves HP hétérogènes ou avec troubles associés. Ceux qui vivent des difficultés scolaires, abandonnent l’école et sont plus mésadaptés, avec tous les coûts collatéraux pour eux-mêmes et pour la société.
Comprendre d’où on vient, ça peut nous permettre de comprendre où on va. La suite du documentaire nous l’avons tous entre nos mains : sensibiliser à la douance nos proches, nos écoles, nos intervenants (médecins, psychologues, travailleurs sociaux et autres) et nos décideurs (scolaires, administratifs, politiques) … et tenter de nous adapter.
Qui s’adapte à qui ? Et comment ?
L’adaptation est un processus naturel chez tous les humains qui permet de se protéger de la désorganisation provoquée par quelque chose de nouveau qui est perçu comme menaçant. Beaucoup d’auteurs décrivent encore un processus d’adaptation en cinq étapes : choc, déni, détresse, détachement et acceptation. On sait aujourd’hui qu’on ne passe pas nécessairement par toutes ces étapes, et pas nécessairement dans cet ordre. On peut en sauter certaines et faire plusieurs allers-retours. Je vous propose de vous accompagner dans une partie de votre processus, comme je le fais chaque jour avec des doués et leur famille.
Le choc
Plusieurs personnes ne savaient sincèrement pas que les enfants et les adultes HP pouvaient souffrir et être handicapés dans leur fonctionnement. En fait, le choc est là. On peut y réagir de façon très différente les unes des autres. Vous pourriez, par exemple, être révolté de la situation, inquiet, attristé ou encore indifférent.
Le déni ou la banalisation
« Ça ne se peut presque pas, avoir un haut potentiel, ça doit être bon dans la vie. Les enfants doués fonctionnent comme les autres, ou mieux. » Certains pourraient croire qu’il n’y a pas d’enfants doués dans leur entourage. Pour démystifier plusieurs mythes, n’hésitez pas à visiter : www.douance.org.
L’impuissance ou la détresse
« Je pense que j’ai peut-être un jeune doué dans ma classe. Ou mon enfant est peut-être doué. Je fais quoi maintenant ? » Heureusement il existe des ressources. D’ailleurs, un regroupement mérite votre attention. Il s’agit de Haut Potentiel Québec dont la mission est de «rassembler et diffuser les connaissances et les ressources liées à la douance dans le but de soutenir les familles et de sensibiliser la population aux enjeux liés à la douance.» (www.hautpotentielquebec.org).
Le détachement (ou le temps qui passe)
Pas de miracle, il faut se laisser du temps pour s’informer et cheminer, obtenir des réponses et s’outiller pour évoluer comme individu et comme société.
L’acceptation
Pour finalement, accepter véritablement et s’adapter. Selon le Centre d’études sur le Stress humain, fondé et dirigé par Dre Sonia Lupien, Ph.D., psychologue, il existe deux types d’adaptation possible (www.stresshumain.ca) :
- L’adaptation centrée sur les problèmes : « cette stratégie implique le changement actif de la
- situation qui est à la source du stress. Vous vous concentrez sur le problème. » (P.ex. analyser la situation, appliquer des leçons apprises).
- L’adaptation centrée sur les émotions : « cette approche plus passive consiste à changer votre réaction émotionnelle face à la situation. Vous vous concentrez sur vos émotions. » (P.ex. ruminer, éviter, nier, blâmer, chercher du support social).
Parce que les valeurs chrétiennes, c’est aussi l’amour du prochain, l’accueil de l’étranger et le respect de l’autre, tous ceux qui ont l’éducation et le bien-être des enfants à cœur se doivent d’être sensibilités à la douance. Espérons que d’autres documentaires de sensibilisation suivront sur les adolescents et les adultes doués qui vivent un lot bien différent de défis et de souffrances.
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Pour en savoir plus et mieux vous outiller :
Dre Marianne Bélanger, Psy.D., Ph.D., psychologue, spécialisée en douance.
Cofondatrice Clinique TDAH Montérégie et Clinique Neuropsychologie Rive-Sud Montréal