La douance
Nous avons vu dans un premier article qu’on tend à définir la douance (ou haut potentiel intellectuel) par un quotient intellectuel (QI) supérieur à 125 ou 130 (mesuré par test d’intelligence administré par un psychologue dans le cadre d’une évaluation globale du développement), ce qui inclut autour de 2,5% à 5% de la population.
Vous n’avez pas lu l’article 1 sur la douance ?
Vous avez aussi constaté qu’un enfant doué est AUSSI éloigné et différent de la moyenne qu’un enfant avec une DI. Il devient donc logique de croire que les d’enfants doués, eux aussi, apprennent différemment et que l’école n’est probablement pas adaptée à leurs besoins à tous.
Douance = QI ?
À partir de l’âge de 6 ou 7 ans, le QI reste plutôt stable pour le reste de notre vie. Il est certain que notre destinée n’est pas seulement déterminée par notre QI. Cependant, la recherche montre qu’il s’agit du facteur le plus important associé à la réussite scolaire et professionnelle ainsi qu’au statut socio-économique d’une personne.
Mais attention, la douance ce n’est pas juste une question de QI. Certaines personnes précoces intellectuellement peuvent même obtenir des résultats hétérogènes ou des difficultés aux tests de QI traditionnels. Cependant, elles ont toutes habituellement des résultats très supérieurs à la moyenne des individus du même âge chronologiques à certaines ou plusieurs tâches mesurant le QI (p.ex. raisonnement verbal, capacité d’abstraction).
Deux profils de douance
En fait, les récentes études de l’équipe du Dr Olivier Revol, psychiatre français et chef de file dans la recherche sur la douance, indiquent deux profils d’enfants à haut potentiel (HP) :
- Homogène (ou laminaire), c’est-à-dire avec un développement cognitif harmonieux et une grande facilité à apprendre. C’est l’image plus typique qu’on peut se faire d’un enfant HP. Selon Fanny Nusbaum, docteure en psychologie et chercheure au Centre Psyrene de Lyon, la majorité de ces enfants réussissent assez bien à s’adapter. Ils sont toutefois très sensibles aux attentes des autres. Ils fonctionnent généralement bien à l’école, mais peuvent s’ennuyer et vivre de l’anxiété ainsi que des difficultés sociales (p.ex. isolement, sentiment d’être incompris).
- Hétérogène (ou complexe), c’est-à-dire avec de grandes disparités entre leurs différentes capacités cognitives, ce qui peut générer des troubles d’apprentissage, des troubles moteurs ou des troubles de langage pouvant même masquer la douance. Selon Dre Nusbaum, ce profil est caractérisé par un cerveau qui pense constamment, une très grande créativité intuitive et une pensée analogique qui rend la planification très difficile. Attachants et généreux, ces enfants sont souvent non conventionnels et hypersensibles. Leur réussite scolaire est très variable (de la réussite à l’échec) et dépend souvent de leur relation avec l’enseignant.
L’étude de Guénolé et ses collègues (2015) révèle que 42% des enfants HP de leur échantillon ont un profil hétérogène et que chez 95% d’entre eux, ce sont leurs habiletés verbales (vocabulaire, compréhension, raisonnement) qui sont supérieures à leurs habiletés non verbales (traitement visuel et spatial, raisonnement logico-mathématique). Ils sont plus à risque d’être en difficultés scolaires et sociales ainsi que de présenter des problèmes émotionnels et comportementaux. Les HP homogènes quant à eux sont plus anxieux face à leur vie sociale que les HP hétérogènes, mais sont en général plus équilibrés et adaptés.
D’autres caractéristiques
Par ailleurs, d’autres particularités communes ont été documentées chez les doués :
- Hypersensibilité sensorielle ;
- Hypersensibilité émotive ;
- Très grande curiosité ;
- Besoin viscéral de comprendre ;
- Ennui profond et destructeur quand ils manquent de stimuli intellectuels ;
- Très fort sentiment d’être différent des autres ;
- Des façons d’apprendre très différentes des autres enfants de son âge ;
- Intolérance à sa perception d’injustice.
Nous reviendrons sur les caractéristiques des enfants doués et sur les meilleurs indices pour les reconnaître dans un prochain article.
Dyssynchronie
C’est un mot que vous risquez d’entendre si vous rencontrez un enfant doué. En effet, la douance est associée à des difficultés persistantes d’adaptation et de fonctionnement, conséquences des décalages entre le développement intellectuel des personnes douées et les autres sphères de leur développement (affectif, social, scolaire, etc.). Jean-Charles Terrassier décrit ce syndrome de dyssynchronie dans son livre » Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante » (1999, Édition ESF).
Les dyssynchronies s’expriment dans plusieurs environnements :
- Scolaire ou professionnel (ennui, difficultés à apprendre, distraction lorsque peu stimulé, résultats très variables, sous-performance, etc.),
- Social (difficultés à entrer en relation avec les autres, à comprendre les limites, les normes sociales et le cadre de la moyenne des gens, isolement, sentiment d’être incompris, etc.),
- Interne à la personne, c’est-à-dire que l’enfant doué peut non seulement vivre un décalage entre le développement de ses différentes capacités intellectuelles (profil hétérogène que nous venons de décrire), mais aussi entre son développement intellectuel et psychomoteur (maladroit, difficulté à écrire, très habile dans certaines tâches et très peu dans d’autres, etc.) ainsi qu’entre son développement intellectuel et attentionnel (attentif si stimulé, mais en deçà de son potentiel intellectuel, distrait, désorganisé, manque de concentration, etc.) ou entre son développement intellectuel et affectif (comportements immatures et contradictoires avec leurs habiletés intellectuelles, anxiété, frustration, etc.).
Dans le troisième et prochain article, j’aborderai les autres troubles souvent associés à la douance ainsi que le fonctionnement scolaire des jeunes doués.
Voici un autre article qui saura vous plaire :
Pour en savoir plus et mieux vous outiller :
Dre Marianne Bélanger, Psy.D., Ph.D., psychologue, spécialisée en douance.
Cofondatrice Clinique TDAH Montérégie et Clinique Neuropsychologie Rive-Sud Montréal