Nicole Carty, orthophoniste
Explorons ensemble l’impact profond de la lecture sur le développement du langage oral, en particulier chez les enfants atteints de trisomie 21.
La lecture : essentielle pour le langage oral!
Il faut savoir que les lecteurs font davantage de progrès dans le développement de leur langage oral que les non lecteurs: apprendre à lire est central au développement du langage (Buckley & Bird, 1993). Les mots écrits stimulent la production orale et permettent de multiplier les contextes d’entraînement (Buckley & Bird, 1993). De plus ils aident également à dépasser les difficultés de mémoire de travail et ce même au stade de production des premiers mots (Buckley & Bird, 1993).
Le travail réalisé sur les correspondances entre les lettres et les sons améliore la production et l’intelligibilité de la parole (Buckley et al., 2006).
Les mots que l’enfant apprend à orthographier (visuel) commencent à apparaître dans son langage expressif plus rapidement que les mots qui sont simplement entendus (auditif) (Buckley & Bird, 1993).
L’entraînement à la lecture d’énoncés à 2-3 éléments accélère leur acquisition en langage oral (Buckley & Bird, 1993).
L’entraînement à la lecture de phrases grammaticales favorise la production orale de phrases grammaticales (Buckley & Bird, 1993). L’individu avec une trisomie 21 peut apprendre à lire, à comprendre et à s’entraîner avec des phrases grammaticalement correctes.
https://trisomie21etpotentiel.home.blog/2019/02/17/la-lecture-un-avantage-majeur/
Apprendre à lire et à parler en même temps!
Plus tôt un enfant avec une trisomie 21 commence à apprendre à lire, plus l’impact sur leur langage oral est positif (Buckley & Bird, 1993). Toutefois, peu importe le moment où la personne avec une trisomie 21 débute l’apprentissage de la lecture, il y aura forcément des bénéfices (Buckley & Bird, 1993).
Les enfants ayant une trisomie 21 peuvent apprendre à lire et à parler, en même temps. En effet, les deux habiletés interagissent ensemble puisque chez ces derniers, leur mémoire visuelle est plus efficace que leur mémoire auditive (Buckley & Bird, 1993)
Il est important de savoir que la différence entre les enfants atteints d’une trisomie 21 et les enfants sans est que les premiers ont besoin d’être exposés au langage écrit à un âge beaucoup plus précoce que les seconds (Buckley & Bird, 1993).
L’apprentissage de la correspondance entre les lettres et les sons
Dans un premier temps, il se peut que les individus avec une trisomie 21 soient dépendants d’informations visuelles. Leurs capacités en conscience phonologique et en décodage sont généralement plus faibles que leurs capacités à reconnaître, de manière globale, un mot (Boudreau, 2002). Toutefois, enseigner la correspondance entre les sons et les lettres entraîne une activation du cerveau plus riche et complexe que le simple fait de mémoriser la forme du mot (McCandliss, 2015).
Ils se trouve que les mots appris de manière globale activent l’hémisphère droit du cerveau tandis que ceux appris via la correspondance des lettres aux sons activent le gauche, dans les aires attribuées à la vision et au langage. Une forte activation de l’hémisphère gauche, en début d’apprentissage de la lecture, est caractéristique de futurs lecteurs compétents (McCandliss, 2015). Ainsi, les lecteurs débutants qui s’attardent à faire la correspondance entre les lettres et les sons, entraînent l’activation des aires du cerveau les mieux définies pour la lecture (McCandliss, 2015).
En général, la plupart des individus présentant une trisomie 21 sont capables d’apprendre les règles de correspondance entre les lettres et les sons. Cela contribue à leur autonomie en contexte de lecture de mots nouveaux et leurs habiletés en orthographe (Boudreau, 2002).
https://www.t21.ch/wordpress/wp-content/uploads/2011/05/art-21-brochure-scolarisation-primaire.pdf
La lecture à voix haute faite par les parents
Avant tout, il y a un lien significatif entre l’exposition de l’enfant au monde des livres, depuis tout petit, et la facilité avec laquelle l’enfant apprend à lire (Bergersen, 2015). En réalité, les aires du cerveau se rapportant à une stimulation visuelle sont activées au moment d’une lecture à voix haute faite par le parent (Hutton, 2015). De plus, la visualisation de l’histoire qui leur est lue à voix haute joue un rôle déterminant dans la compréhension de la narration et l’aptitude à apprendre à lire chez les enfants (Hutton, 2015).
De ce fait, des changements tout simples dans la manière de lire à voix haute facilitent l’apprentissage de la lecture (Piasta, et al., 2012):
- Faire des commentaires sur les lettres et les mots écrits;
- Montrer les lettres majuscules;
- Nommer le fait qu’on lit de gauche à droite et de haut en bas.
Les enfants qui bénéficient de ce partage d’informations explicites supplémentaires démontrent les capacités suivantes (Piasta, et al., 2012):
- Des capacités en lecture supérieures à leurs pairs, durant les deux prochaines années suivant l’intervention.
- De meilleures habiletés en orthographe et en compréhension que leurs pairs.
Le fait de sous-estimer les capacités des individus avec une trisomie 21 à apprendre à lire et écrire est un phénomène bien documenté. Or, dans la mesure où le développement du langage oral dépend du développement du langage écrit, mieux vaut commenter tôt !
Références :
Bergersen, V. (2015). The University of Stavanger. « Home reading environment is crucial for children’s reading skills. » ScienceDaily.ScienceDaily, 14 Oct.
Boudreau D. (2002). Literacy skills in children and adolescents with Down syndrome. Reading and Writing. 15(5-6):497-525.
Buckley, J.S. & Bird, G. (1993). Teaching children with Down syndrome to read. Down syndrome Research and Practice. 1(1) 34-39. & 3(3); 110-115.
Buckley, J.S., Bird, G., Sacks, B. & Archer, T. (2006). A comparison of mainstream and special school education for teenagers with Down syndrome: effects on social and academic development. Down syndrome Research and Practice. 9(3), 51-67.
Hutton, J. (2015). American Academy of Pediatrics. « MRI shows association between Reading to young children and brain activity. » ScienceDaily. ScienceDaily, 25 April.
McCandliss, B. (2015). Stanford University. « Reading: Brain waves study shows how different teaching methods affect reading development.” ScienceDaily. ScienceDaily, 1 June 2015.
Piasta, S.B.; Justice, L.M.; McGinty, A.S.; Kaderavek, J.N. (2012). Increasing young children’s contact with pring during shared reading: Longitudinal effects on literacy achievement. Child Development.
En résumé
Selon Buckley & Bird (1993), la lecture joue un rôle crucial dans le développement du langage oral. Les lecteurs progressent davantage dans le développement de leur langage oral que les non-lecteurs. Les mots écrits stimulent la production orale et permettent de multiplier les contextes d’entraînement. Ils aident également à dépasser les difficultés de mémoire de travail, même au stade de production des premiers mots.
L’apprentissage de la correspondance entre les lettres et les sons améliore la production et l’intelligibilité de la parole. Cela entraîne une activation du cerveau plus riche et complexe que le simple fait de mémoriser la forme du mot. La majorité des individus avec une trisomie 21 sont capables d’apprendre les règles de correspondance entre les lettres et les sons, ce qui contribue à leur autonomie en contexte de lecture de mots nouveaux et leurs aptitudes en orthographe.
L’entraînement à la lecture de phrases grammaticales peut favoriser la production orale de phrases grammaticales. Les individus avec une trisomie 21 peuvent apprendre à lire, et s’entraîner avec des phrases grammaticalement corrigées, ce qui favorise également leur langage oral.
Les enfants avec une trisomie 21 peuvent apprendre à lire et à parler en même temps. Ces deux compétences interagissent ensemble, car leur mémoire visuelle est généralement plus efficace que leur mémoire auditive. De plus, le fait d’être exposé à la langue écrite à un âge beaucoup plus jeune favorise le développement du langage oral.
La lecture à voix haute par les parents a un impact significatif sur la facilité avec laquelle l’enfant apprend à lire. Elle active les aires du cerveau liées à la stimulation visuelle et la visualisation de l’histoire joue un rôle déterminant dans la compréhension de la narration et l’aptitude à apprendre à lire chez les enfants. De plus, certains changements simples dans la manière de lire à voix haute, comme faire des commentaires sur les lettres et les mots écrits, montrer les lettres majuscules et expliquer que la lecture se fait de gauche à droite et de haut en bas, modifié l’apprentissage de la lecture.